11 choses à savoir sur les BSPCE
Découvrez les enjeux et les impacts des BSPCE sur la structure actionnariale de votre entreprise.
Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) figurent parmi les outils de rémunération différée les plus prisés dans l’écosystème startup français. Ils permettent d’intéresser au capital les collaborateurs et les dirigeants, tout en préservant la trésorerie de l’entreprise. Mais quels sont les effets sur la structure actionnariale, et quels enjeux soulèvent-ils ? Cet article revient sur les points clés à savoir sur les BSPCE.
Un droit d’acquérir des actions dans le futur
Un BSPCE est un droit d’achat (l’équivalent d’un call en finance) accordé au salarié ou dirigeant. Cet outil lui permet d’acquérir, à terme, des actions de l’entreprise à un prix fixé à l’avance. Généralement, ces BSPCE donnent droit à des actions ordinaires, mais il est également possible qu’ils portent sur des actions spéciales dites de préférence.
Impacts sur la table de capitalisation
- La distribution de BSPCE n’impacte pas la structure actionnariale immédiatement. Ce n’est que lorsqu’il y a exercice de ce droit qu’il y a dilution des actionnaires (i.e. réduction de leur pourcentage de détention).
- Les BSPCE donnant généralement droit à des actions ordinaires, il est rare qu’ils impactent les sommes allouées de manière préférentielle.
Un droit qui s’acquiert sur la durée
Les BSPCE ne peuvent généralement pas être exercés immédiatement après leur attribution : leur acquisition s’effectue de manière progressive, selon un calendrier dit de vesting. Il débute souvent par une cliff period, période initiale au terme de laquelle un premier pourcentage devient exerçable. Ensuite, les droits s’acquièrent au fur et à mesure (mensuellement ou trimestriellement). En cas d’événement majeur, une clause d’accélération peut prévoir l’acquisition immédiate de tous les droits restants.
Ces clauses temporisant l’acquisition des BSPCE protègent l’entreprise et ses actionnaires tout en alignant les intérêts des bénéficiaires sur le long terme.
Un droit qui n’est pas exerçable n’importe quand
Pour pouvoir exercer son droit d’achat, et donc devenir actionnaire, le détenteur du BSPCE doit attendre ce qu’on appelle un événement déclencheur. Cet événement peut souvent prendre plusieurs formes :
- levée de fonds (d’un montant minimal) ;
- cession de l’entreprise ;
- introduction en bourse (IPO).
À défaut de la survenue d’un de ces événements, le BSPCE reste non exerçable.
Enjeux
- Les bénéficiaires doivent garder à l’esprit qu’ils n’auront aucun gain monétaire immédiat.
- Les BSPCE est un produit très peu liquide car incessible (sauf à de très rares exceptions) et dépend d’un événement sur lequel le détenteur du BSPCE n’a pas la main.
Exercice du droit d’achat uniquement s’il y a prise de valeur
Les BSPCE sont un droit d’achat, comme indiqué précédemment. Tant que le prix à payer est supérieur à la valeur de l’action obtenue, il n’y a pas prise de valeur.
Mais alors, comment savoir s’il est raisonnable d’exercer son droit à devenir actionnaire ?
Il est très compliqué de définir la valeur d’une entreprise (encore plus d’une startup) et d’en déduire la valeur d’un BSPCE. C’est la raison pour laquelle les BSPCE sont activables lorsqu’il y a une cession partielle ou totale de l’entreprise. La valeur induite par la transaction cristallise une valeur (dite valeur de marché). À partir de là, on va pouvoir déduire la valeur unitaire de l’action auquel donne droit le BSPCE et la comparer au prix de souscription. Si le prix de souscription est inférieur, alors il est rationnel d’exercer son droit. Si ce n’est pas le cas, il faut passer son tour. C’est ce qu’on appelle en finance faire un arbitrage.
Enjeux
- La réussite de la startup et l’atteinte d’un niveau de valeur des capitaux propres sont les conditions sine qua non pour que leurs BSPCE captent de la valeur. Si l’aventure est belle, elle l’est pour tout le monde.
- Pour comprendre la valeur d’un BSPCE il faut connaître la valeur d’une action et le prix d’exercice du BSPCE. Ces deux informations, l’une sans l’autre, ne permettent pas de connaître le gain.
Effet dilutif vs. appréciation de la taille du gâteau
Lorsque les BSPCE sont exercés, cela entraîne mécaniquement une dilution pour les actionnaires existants. Toutefois, le prix d’exercice versé par les personnes exerçant leurs BSPCE renforce les capitaux propres de l’entreprise. Dit autrement, la taille du gâteau grandit. Il faut donc bien avoir en tête que l’impact dilutif est amoindri par le prix que paie les détenteurs de BSPCE.
Impacts sur la table de capitalisation
- Dans le cas général où les BSPCE donnent droit à des actions ordinaires, il n’y a dilution des actionnaires existants que si l’intégralité des droits préférentiels sont payés et si la valeur des actions ordinaires dépasse le prix d’exercice des BSPCE.
Un prix de souscription décoté depuis 2024
Jusqu’en 2023, le prix de souscription des BSPCE était aligné avec le prix payé lors du dernier tour de table. Or, les actions et les BSPCE créés n’ont en rien les mêmes caractéristiques. Ils étaient donc jusqu’alors irrationnel de leur attribuer un prix identique. La chose a été corrigée en 2024. Il est à présent possible d’appliquer une décote pour prendre en compte :
- le caractère illiquide des BSPCE ;
- leur incessibilité (clause de lock-up) ;
- l’absence de clause économique favorable (pas de liquidation préférentielle) ;
- absence de pouvoir décisionnel sur l’entreprise.
Cette évolution réglementaire valorise plus justement le risque porté par le détenteur de BSPCE et accroît l’intérêt économique des plans de participation au capital.
Impacts sur la table de capitalisation
- Aucun impact immédiat sur la table de capitalisation.
- Cependant, la décote abaisse le niveau de valeur à partir duquel il y a exercice de ce droit d’achat et donc captation de valeur par les porteurs de BSPCE.
BSPCE et pouvoir de décision actionnariale
Le principal objectif des BSPCE est d’aligner les intérêts économiques des collaborateurs au succès de la startup, pas de leur conférer un pouvoir décisionnel. Raison pour laquelle :
- Il est courant que les BSPCE ne puissent être exerçables que lors d’une cession. Si le plan est défini de cette manière, alors les détenteurs ne deviennent que fictivement actionnaires de l’entreprise suite à l’activation de leur droit car, à peine activé, ils vendent leurs actions à l’acquéreur.
- Si les BSPCE peuvent être exercés avant un événement de liquidité, il arrive que les actions obtenues soient dépourvues de droit de vote.
Un outil au service des fonctions RH et finance
Un facteur de rétention et de motivation des talents
Les BSPCE constituent un puissant levier de fidélisation et de motivation des équipes. En alignant l’intérêt des salariés sur celui de l’entreprise, ils renforcent l’implication de chacun.
Bonnes pratiques
- Intégrer le DRH dans la définition du plan de BSPCE afin de cibler efficacement les collaborateurs éligibles, déterminer les conditions d’exercice et prévoir la communication interne.
- Réfléchir à la répartition des BSPCE de manière équitable et cohérente avec les performances attendues.
Un levier pour préserver sa trésorerie
Les BSPCE permettent à l’entreprise de justifier une proposition de salaire inférieure à ses employés. En effet, les BSPCE représentent un potentiel de plus-value long-terme. Le trade-off est :
| Salarié | Entreprise & actionnaires | |
|---|---|---|
| Avantages |
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| Inconvénients |
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Les inconvénients et contraintes des BSPCE
Malgré leurs nombreux avantages, les BSPCE présentent également certaines limites.
- Complexité du paramétrage
- Les modalités sont plurielles (durée du vesting, cliff, prix d’exercice, etc.). Si les paramètres sont trop à l’avantage des salariés ou des investisseurs, ceci peut réduire les avantages des BSPCE et ne pas justifier les investissements en énergie et en temps pour la construction d’un tel plan.
- Coût d’accompagnement juridique & légal
- Les actes juridiques et leur validation nécessitent de se faire accompagner par un expert.
- Coût de déploiement interne
- Il faut allouer des ressources internes pour organiser des sessions d’informations pour les salariés. Cet effort de pédagogie nécessite d’allouer du temps aux équipes finance et RH.
- Coût du suivi administratif
- Il faut tenir un registre précis des BSPCE attribués, exercés ou annulés, et mettre à jour la table de capitalisation.
Les termes techniques clés
- Cliff
- Période avant laquelle aucun droit n’est acquis. Cependant, à l’issue de cette période, un premier lot de BSPCE est débloqué au prorata de la durée du plan. Ensuite le vesting se poursuit chaque mois ou chaque trimestre jusqu’à la fin de la période de vesting.
- Période de vesting
- Période durant laquelle les droits de souscription des BSPCE sont progressivement acquis.
- Prix d’exercice
- Prix à payer pour convertir un BSPCE en action.
Outre le vesting et le cliff décrit précédemment, il existe d’autres mécanismes essentiels à connaître :
- Clause d’accélération
- Clause qui permet aux salariés, en cas de cession de la société, d’exercer l’intégralité de leurs BSPCE même si le vesting n’est pas encore totalement terminé.
- Clause de caducité
- Clause décrivant les scénarios dans lesquels les BSPCE distribués mais non exercés deviennent nul et non avenu.
- Ainsi, un salarié quittant l’entreprise avant d’avoir exercé ses droits peut perdre, selon les conditions de son départ, une partie ou la totalité de ses BSPCE
- Les plans de BSPCE non distribués ou non exercés peuvent également devenir caducs après une certaine date ou sur décision des actionnaires.
Les pratiques de marché
On observe que le nombre total de BSPCE émis et exerçable équivaut souvent à 5% à 15% du nombre de titres existants.
Par ailleurs, la plupart des plans s’étalent sur 48 mois (soit une durée de vesting de 4 ans) avec un cliff de 12 mois.
Conclusion
Les BSPCE s’imposent comme un outil de choix pour dynamiser la croissance des startups en alignant les intérêts des employés, de la direction et des actionnaires. Ils offrent un moyen d’attirer et de retenir les talents, tout en limitant la consommation de trésorerie en contrepartie d’un partage des perspectives de prise de valeur future. Ce dernier point implique une dilution potentielle qu’il convient de bien anticiper, tant du point de vue des fondateurs que des investisseurs. Aujourd’hui, la pratique de marché situe généralement la réserve dédiée aux BSPCE entre 5% et 15% du capital post-dilution.
L’intégration des équipes qui vont communiquer sur l’outil, à savoir le DRH et le DAF, doit se faire dès la conception du plan. Leur expertise contribuera au choix des paramètres techniques tels que l’échelonnement de l’allocation dans le temps et la prise en compte d’une décote.
Enfin, il est essentiel de maîtriser les termes techniques (accélération, vesting, cliff, caducité) et de gérer la communication pour optimiser le potentiel de ce levier de motivation.
Synthèse des points majeurs
- Un BSPCE est un droit d’achat (call). Cet instrument financier permet d’acquérir à terme des actions, généralement ordinaires.
- Un BSPCE est un outil de rétention. Il permet de transformer le collaborateur en entrepreneur en prenant pleinement part à la création et au partage de la valeur. C’est un outil de motivation mais aussi de valorisation du salarié.
- La prise de valeur est potentielle et conditionnée. Un BSPCE ne prend en valeur que si les titres auxquels ils donnent droit ont une valeur de marché supérieure au prix d’exercice. Également, le droit d’exercer (i.e. de le convertir en action) est très souvent conditionner à la réalisation d’un événement de liquidité (i.e. levée de fonds ou rachat). Pas de gain monétaire sans ces deux conditions.
- Solution pour alléger son cash burn : la distribution de BSPCE peut justifier une rémunération fixe plus faible car cet instrument a une espérance de gain non nul. Un plan de BSPCE permet donc de maintenir à niveau voire réduire la masse salariale.
- Quelques inconvénients à la mise en place d’un plan de BSPCE : coûts, complexité dans sa création, lourdeur administrative, pédagogie nécessaire.
Glossaire
- Call
- Option donnant le droit (mais non l’obligation) d’acheter un actif (actions) à un prix déterminé.
- Événement de liquidité
- Opération (rachat, entrée en bourse, etc.) cristallisant une valeur des titres et permettant parfois de vendre en partie ou en totalité ses titres.
- Liquidation préférentielle
- Mécanisme assurant un retour prioritaire sur investissement à certains actionnaires.
- Post-dilution
- Situation du capital après l’exercice des instruments dilutifs tels que les BSPCE, les BSA ou les obligations convertibles.